Le Samaa de la musique MarocaineLe "
Samaa",
"l'écoute" est un art de chants polyphoniques
sacrés, hymnes au Prophète Sidna Mohamed (P.S.) et à
Allah. Un groupe de
Samaa
se compose de 8 à 40 membres se produisant
lors de fêtes religieuses, à l'intérieur des
mosquées, des mausolées ou simplement chez des
paticuliers à l'occasion de mariages, circoncisions,
naissances ou enterrements. Dans les chants, la majorité
des "Mounchids" (choristes) maintient la ligne
mélodique dans des tonalités graves et sobres, ce qui
permet aux solistes d'élaborer des
"broderies", ornements vocaux, sur les chants.
La technique de respiration, à la fois intuitive et
codifiée, fait en même temps apparaître la chaîne
sonore come un tout émanant d'un seul souffle.
La pratique du
Samaa remonte
à l'avènementde l'Islam (622 A.D.) Le Prophète (P.S)
fut reçu lors de son exode de la Mecque à Médine, par
un chant à sa gloire. "Le Lune trône parmi
nous" est chanté encore de nos jours dans tous les
pays arabes.
Le
Samaa de
Fès a su traverser les siècles en s'enrichissant par
l'arrivée des Arabes d'Espagne après la chute de
Grenade en 1492 et par leur musique dite andalouse. Le
flux ininterrompu des assoiffés de savoir à Fès, a
permis aux chanteurs de rester en contact avec la musique
de l'orient arabe. Toutes ces influences musicales
poétiques, une fois tamisées à Fès, ont créé un
genre musical original, local et en perpétuelle
évolution. Le
Samaa a pu nous
parvenir, riche et authentique. Il a su plaire aux
fervents des belles mélodies arabo-andalouses et
cohabite avec l'orthodoxie musulmane en louant Allah et
son Prophète (P.S.).
Les confréries soufies pratiquant le
"
Dikr", chant au
rythme extatique à but thérapeutique, ont une influence
certaine sur le
Samaa. Ils ont
tous deux pour but d'aider les chercheurs de la vérité
suprême à atteindre Dieu en empruntant des sentiers
ésotériques : le Soufisme.
L'influence prépondérante de la
musique arabo-andalouse sur le
Samaa
nous incite à en parler davantage. Cette musique se
compose de 11 "
Noubas"
telle l'a répertoriée Al-Haïk dans son ouvrage du 18
ème siècle. La "
Nouba"
est une suite de poèmes chantés. Chaque suite est
appelée "
San'a" (oeuvre d'art). Ces
poèmes peuvent s'enchaîner directement ou être
séparés par des interludes instrumentaux ou vocaux.
Ainsi, une
Nouba se compose de
5 mouvements. Le mouvement se compose, lui, de 20
"San'a".
Chaque
"San'a" est une suite de
vers chantés.
Un vers chanté peut se prolonger pour des raisons de
commodités musicales par des "
Taratines"
: Ya Lalan, Ha Nanan, Tiri Tan ou Tari Tanan,
onomatopées sans signification aucune.
Un chanteur de
Samaa a
obligatoirement étudié cette musique, fréquenté une
des confréries et a été initié à ces chants tels
Issawa, Tijani, Derqawa, Hmadcha...
Une soirée de
Samaa dite
"Lila" relève du rituel. Elle
commence par la séances de fumigation par le bois de
santal et la lecture de la Fatiha, première Sourate du
Coran, sous le signe de la sérénité et de la
purification. Nous sommes en présence de Allah et de son
Prophète Mohamed (P.S.).
Le chant ainsi commence par la séance
dite
"Hissa" :
1-
Raml Al Maya est une
Nouba
andalouse. Elle se caractérise par un rythme long 6/4
exécuté sur le mode Ré. Elle s'accélère en une
mesure de 3 temps en 6/8. Elle est suivie des
"Baytayne"
(2 vers) chantés par un soliste. Il s'agit d'un prélude
hors cadence dont la forme est fixe, aucune improvisation
n'y est admise.
2- Le
Hijaz : mode
de Ré avec Fa dièse, dans lequel on sent très
nettement l'influence de l'Orient arabe. Il est introduit
par un
Mawal
(prélude vocal) où le chanteur se livre à
une improvisation réglementée.
3- Le
Rasd :
mode de Mi, est la sixième Nouba selon Al-Haïk. Le
chant s'articule sur une mesure de 8 temps appelée
"
Btayhi" qui s'accélère en un "
qudam",
cinquième mouvement de la
Nouba.
4- Al Khamra
ou
Al Jalala :
littéralement le vin divin ou la majesté. Les
chanteurs sont debout car l'accélération rythmique rend
le souffle haletant. Plusieurs textes sont superposés en
un jeu d'harmonie. On y sent l'influence des chants
confrériques extatiques. C'est la clôture de la
soirée, les invités deviennent à leur tour des
exécutants qui cherchent cette transe prophylactique
sans tomber dans les excès hétérodoxes.
1 -
Al
Jalala
(1m 33s)
2 - Tu es notre
lune (1m 38s)
3 - Tu
es la lumière
(1m 50s)
4
-
L'Imam des Prophètes
(1m 28s)
5 - Celui
qui l'aime évolue (1m 37s)
6 - Je
ne suis pas vaniteux (1m 10s)
7 - Obéis
à ton maître (1m 30s)
Source : Texte de
Azzedine Alaoui-Addach, Chants Sacrés du Soufisme
Marocain : Les Voix de Fès
Série "Les grandes polyphonies du Monde" ,
Sony Music Entertainement.
