SociétéAvec la diversité d'une population de souche berbère, un autre facteur d'hétérogénéité tient aux fortes disparités sociales. Un tiers de la population vivrait au-dessous du seuil de pauvreté, aussi bien dans les villes qu'en milieu rural. Le taux de chômage atteindrait près de 20 % de la population active. En 1990, 49,5 % des personnes âgées de 15 ans et plus étaient alphabétisées. La scolarisation primaire, si elle touche 80 % des enfants, ne concerne que 64 filles pour 100 garçons.
Ces lacunes tiennent à l'insuffisance des infrastructures, surtout dans les montagnes, et à la persistance du travail des enfants (ce dernier facteur expliquant d'ailleurs les fortes résistances auxquelles se heurte le planning familial). Le statut de la femme, s'il a considérablement évolué pour certaines couches de la population au mode de vie occidentalisé, n'a cependant pas connu de changement radical. Le Code marocain de statut personnel s'inspire très largement, en dépit de quelques assouplissements, de la loi musulmane: reconnaissance de la polygamie, maintien pour l'homme du droit de répudiation. La présence médicale est encore très inégalement répartie sur le territoire, qui compte en moyenne un médecin pour 4 380 habitants et 1 lit d'hôpital pour 830 habitants. La mortalité infantile (62 ‰) [estimation 1997] est la plus élevée de l'Afrique du Nord. Aussi hétérogène que soit la population, aussi inégales que soient ses conditions de vie, et en dépit des différences linguistiques – alors que les hommes berbères sont pour la plupart bilingues, les femmes non scolarisées ne comprennent pas l'arabe –, un certain nombre de facteurs, au premier rang desquels vient l'islam, assurent à la société marocaine une forte cohésion. L'appartenance à la communauté musulmane s'affirme, en effet, comme un puissant ciment. L'appel aux cinq prières quotidiennes, la prière commune du vendredi, le respect du ramadan, la fête du sacrifice créent de solides liens. Si l'islam marocain présente certaines particularités, avec notamment l'importance du culte des saints (qui est combattu par les réformistes), il est frappant de voir se côtoyer des gens de toutes origines, comme à l'occasion des moussems.
Le lien familial est également très fort. Près de la moitié des foyers marocains, tout particulièrement en milieu rural, abritent des familles étendues. En permettant une répartition des tâches et une diversification des activités, ces dernières constituent un palliatif de la précarité économique. L'idéal de la grande famille patrilinéaire et du capital d'honneur qui y est attaché reste très prégnant. Que ce soit pour obtenir une bourse ou trouver un emploi, les réseaux traditionnels ayant pour base la parenté se révèlent toujours plus efficaces que les démarches officielles.