Le règne de Mohammed VI (1999- )Les premiers pas du nouveau roi
Le décès d'Hassan II, le 23 juillet 1999, survient alors qu'une rencontre est annoncée entre le souverain chérifien et le nouveau président algérien Abdelaziz Bouteflika, destinée à aborder les questions en suspens entre les deux pays, en particulier celle du Sahara. Son fils aîné Sidi Mohammed, âgé de 36 ans, monte sur le trône sous le nom de Mohammed VI. Les chantiers auxquels le nouveau souverain doit faire face portent surtout sur la lutte contre la pauvreté, la santé, l'alphabétisation (le taux d'analphabétisme dépasse les 50 %), la réforme de l'administration et de la justice, qui reste liée au problème de la corruption, la montée de l'islamisme, dont le leader, Cheik Yassine défie le pouvoir, et la question épineuse du Sahara.
L'acte le plus significatif de la politique d'ouverture menée par Mohammed VI est le limogeage, en novembre 1999 de Driss Basri, ministre de l'Intérieur d'Hassan II, et symbole de l'autoritarisme de l'ancien pouvoir. Voulant effacer les pages les plus sombres du règne précédent, Mohammed VI met également en place une commission chargée d'indemniser les victimes de la répression, tandis que de nombreux opposants rentrent au Maroc (Abraham Serfaty, la famille de Mehdi Ben Barka). Conservant le Premier ministre socialiste Abderrahmane Youssoufi, le souverain garde la haute main sur la direction de l'armée.
Surnommé
"le roi des pauvres" dès les tout débuts de son règne, en raison de ses nombreux gestes de charité à l'égard des plus défavorisés, Mohammed VI est salué, à l'intérieur comme à l'extérieur, comme un
"roi moderne". Cette image de modernité est confortée en mars 2002 par l'annonce de son futur mariage avec une
"fille du peuple ", Salma Bennani. L'annonce publique du mariage royal constitue une véritable révolution en soi.
Quelques jours avant la célébration de ce mariage, en juillet 2002, le Maroc provoque une grave crise diplomatique avec l'Espagne en envoyant des militaires sur l'îlot Leila (ou Persil pour les Espagnols), rocher inhabité de quelque 13 hectares, situé à proximité de l'enclave espagnole de Ceuta. L'Espagne réplique par l'envoi de soldats, ce qui équivaut à une
"déclaration de guerre" aux yeux de Rabat. Ce grave incident s'inscrit dans une longue série de discordes entre les deux pays, opposés sur de nombreuses questions : le sort du Sahara, le Maroc accusant l'Espagne de favoriser les thèses du front Polisario, les questions de la pêche et de l'immigration clandestine, le dossier de la prospection pétrolière - les relations entre le Maroc et l'Espagne se sont en effet détériorées dès l'automne 2001, avec le rappel de l'ambassadeur du Maroc à Madrid à la suite de l'autorisation par le gouvernement espagnol de travaux de prospection pétrolière au large des îles Canaries, archipel espagnol situé au large des côtes marocaines. Sous l'égide des Etats-Unis, les deux pays parviennent à un accord sur l'îlot Leila, puis renouent leurs relations diplomatiques en février 2003.
La transition démocratique
Tandis que le gouvernement d'alternance d'Abderrahmane Youssoufi a permis le passage sans heurt du règne d'Hassan II à celui de Mohammed VI, la transition démocratique aboutit en septembre 2002 à la tenue d'élections législatives, les premières élections totalement transparentes depuis l'indépendance du pays en 1956. Quatorze millions de Marocains sont appelés à pourvoir les 325 sièges de la Chambre basse du Parlement pour un mandat de cinq ans - dont 30 sièges réservés aux femmes. A l'issue du scrutin qui se déroule le 27 septembre 2002, la principale formation du gouvernement sortant, l'Union socialiste des forces populaires (USFP), arrive en tête avec 50 sièges, suivie de l'Istiqlal, qui remporte 48 sièges. L'autre parti de la coalition gouvernementale au pouvoir, le Rassemblement national des indépendants (RNI), de centre droit, n'arrive, avec 41 sièges, qu'en 4e position, derrière le Parti de la justice et du développement (PJD), islamiste, qui recueille 42 sièges. Caractérisé par l'accentuation du morcellement du champ politique - liée à l'adoption d'un scrutin de liste à la proportionnelle -, ce scrutin est marqué par la percée du vote islamiste, sanctionnant les formations politiques traditionnelles dans un contexte socio-économique extrêmement difficile.
Le 9 octobre, le roi Mohammed VI nomme Driss Jettou Premier ministre ; ancien ministre du Commerce et des Finances, Driss Jettou se prévaut d'une longue expérience de gestionnaire. Au mois de novembre, celui-ci présente la composition du nouveau gouvernement, qui s'inscrit dans la continuité du gouvernement d'alternance, avec l'USFP et l'Istiqlal dominant une large coalition gouvernementale, dont sont exclus les islamistes du PJD.