Essaouira célèbre Abderrahman Paca

Vendredi soir, Essaouira a vibré au
rythme d'un hommage particulier à la gloire de Abderrahman
Paca, figure emblématique de la scène musicale marocaine
depuis les années 70, au sein du groupe Nass El Ghiwane
notamment. Sur la place Bab Marrakech, ils sont venus nombreux
pour vivre un moment d'une rare intensité. Un moment de
reconnaissance à Paca, cet enfant de Mogador qui a contribué à
la diffusion de la culture gnaoui et à sa valorisation dans
les années 70. Un moment placé sous le signe de l'émotion.
Il n'y a d'ailleurs qu'à rappeler qu'il a participé à
la composition de chansons comme l'inoubliable et la mythique
«Assinia», disque d'or en 1970, pour comprendre l'intensité de
l'émotion qui a régné lors de cette soirée.
Aujourd'hui
malade, Abderrahman Paca méritait amplement cet hommage. Après
un parcours sans faute laissant une empreinte indélébile dans
le paysage musical marocain, l'hommage qui lui a été rendu ce
soir là n'était en fait que justice.
Depuis maintenant
cinq ans, Abderrahman Paca a reformé un groupe portant son
nom, et reprenant sur scènes des compositions de Nass El
Ghiwane ainsi que de nouvelles chansons. A ses côtés
désormais, deux de ses fils composent avec leur père le
répertoire «groupe Abderrahman Paca».
Sur la scène
d'Essaouira, l'hommage à ce grand artiste est venu de son
groupe, accompagné d'un représentant de chacun des trois
groupe mythiques de l'époque : Omar Essayed de Nass El
Ghiwane, Mohammed Edderham de Jil Jilala et Sousdi de Lemchaheb.
La scène était donc parfaitement agrémentée et
le répertoire reproduit riche et diversifié. Des tubes
immortels de Nass El Ghiwane aux nouvelles chansons, mais
toujours dans le même esprit, du jeune groupe Paca, le public
était transporté, presque dans un état second.
Les
applaudissements fusaient de toutes parts, la foule suivait la
cadence, les corps ondulaient dans une parfaite fusion avec
cette musique qui ne peut que vous marquer, à vie
certainement.
Le festival d'Essaouira a donc offert aux
fans une chance de revivre ces années de gloire d'une musique
populaire et révolutionnaire au Maroc. Une musique ancestrale,
parfaitement préservée par le maâlem Paca qui a su en plus la
révéler, la moderniser et la transmettre pour q'elle continue
d'être un langage commun entre les générations et les cultures
du monde.
L'enfant de Mogador était d'ailleurs
parfaitement capable d'initier ce merveilleux travail de
mémoire. Né en 1948 à Essaouira, il a grandit dans un milieu
gnaoui. Il fut initié par de grands maâlems tels que le maâlem
Benthami et devint lui-même maâlem en 1964.
La fête
continueC'est au début des années 70 que le public
marocain connaîtra le mieux Paca, quand il rejoindra les Jil
Jilala puis Nass El Ghiwane. Maître de guembri à l'âge de 16
ans, Paca a introduit le sintir (ou guembri) au sein de Nass
El Ghiwane, rendant ainsi leur musique plus forte que jamais,
consolidée de toutes ces richesses marocaines qui, plus tard,
soigneusement mixées, ont réussi à donner un vrai élan musical
à tout un pays, et surtout à sa jeunesse.
Chose qui a été
aisément vérifiable lors de cette soirée hommage. Une
vingtaine de spectacles ont animé la ville d'Essaouira lors de
cette journée du vendredi. Des spectacles qui ont continué
jusqu'à premières lueurs de l'aube. Deux concerts en
particulier ont attiré un monde fou à la Place Moulay Hassan.
D'abord le concert du groupe de jeunes appelés “ Rif Gnawa
”, qui nous viennent directement de Tétouan. Un groupe made in
Morocco donc, offrant un métissage musical inédit et qui a
particulièrement plu au public du festival. Ce groupe de
jeunes, qui représentent le fleuron de la musique marocaine
nouvelle génération, a en effet surpris par ses fusions
audacieuses puisant dans le patrimoine marocain, gnaoui en
particulier, ainsi que dans les racines du rock.
Le second
concert est celui du Maâlem Hamid El Kasri. Commençant tard
dans la nuit, ce dernier a pourtant entraîné des milliers de
spectateurs, venus de toutes parts, damnés qu'ils sont par les
rythmes d'une musique à la limite du surnaturel. Hamid El
Kasri a puisé dans son répertoire gnaoui pour offrir aux
spectateurs, déjà en transe, une musique et des chants dans la
plus pure tradition. Le choix n'était pas pour déplaire au
large public qui suivait parfaitement le rythme.
Mieux
encore, il a fusionné sa musique ancestrale avec celle de
musiciens venus des quatre coins du monde. Il s'agit du groupe
Jaleo, dont les membres viennent de France, d'Espagne et même
de Belgique. Le public fut tout simplement conquis par le ton
chaleureux qui émane de leur métissage de jazz et de musique
indienne, sous les couleurs de la musique et de la danse
flamenco.
Lors de la fusion entre El Kasri et Jaleo, des
moments d'une rare intensité se sont créés, provoqués par des
musiques improvisées harmonieuses à souhait. Un mélange
détonnant de spiritualité, d'héritage jalousement préservé, de
chants sacrés et de musiques du monde qui a donné à cette
soirée une aura toute particulière.